Newsletter, Omaggi, Area acquisti e molto altro. Scopri la tua area riservata: Registrati Entra Scopri l'Area Riservata: Registrati Entra
Home / Articoli / In God we trust

In God we trust

di Roger-Pol Droit - 23/11/2007

    
Roger-Pol Droit analizza il libro De la religion en Amérique in cui Denis Lacorne critica molti luoghi comuni sul rapporto fra religione e politica nella costruzione dell’identità americana dalla nascita degli Stati Uniti (1776) fino ad oggi. Nella società americana Lacorne evidenzia la rivalità, persistente nei secoli, fra una mentalità debitrice dell’Illuminismo, che si basa sui diritti dell’uomo e sulla divisione fra stato e religione, e una visione del mondo legata al romanticismo, che guarda positivamente all’irrazionale e all’intuizione favorendo il passaggio di valori fra religione e stato.
Secondo Droit, il libro è un’utilissima guida alla comprensione del variegato panorama confessionale degli Stati Uniti, mettendo a fuoco le differenze storiche fra puritani, quaccheri ed evangelici.


Quand nous lisons cette profession de foi, imprimée sur les dollars américains, nous éprouvons un curieux sentiment d’étrangeté, d’exotisme et d’étonnement. Qu’un peuple moderne, actif et entreprenant, proclame officiellement sa confiance en Dieu sur les billets de banque a de quoi déconcerter les Français. [...] Parce que nous croyons avoir les premiers, depuis la Révolution de 1789, inventé la laïcité. Parce que nous connaissons fort mal, en réalité, l’entrelacs des relations entre religion et société aux Etats-Unis. En fait, nous nous contentons presque de clichés et d’approximations. Même des gens instruits et informés vont répétant que l’Amérique est puritaine, qu’elle ne parvient pas à séparer les Eglises et l’Etat, ou que le christianisme y tient un rôle fondateur.
Rectifiant ces images floues, le passionnant essai de Denis Lacorne De la religion en Amérique remet les pendules à l’heure avec autant de clarté que de science. Si vous confondez encore les quakers et les puritains, si vous ne savez pas clairement ce que sont les évangélistes, si vous n’êtes pas certain de bien comprendre ce que représentent les “born again christians” [...] rassurez-vous, cela peut s’améliorer! Au terme de cette réflexion sur la place de la religion dans la construction de l’identité politique américaine, vous aurez saisi l’essentiel, c’est-à-dire les clivages.
Ce que montre remarquablement Denis Lacorne, c’est la complexité du paysage. S’il est vrai que “l’esprit de religion”, selon la formule de Tocqueville dès 1835, est particulier outre-Atlantique, il n’est en aucun cas homogène ni uniforme. Clivage principal: la rivalité constante, persistante d’un siècle à l’autre, entre une conception héritée des Lumières qui insiste sur les droits de l’homme, la rationalité philosophique, la séparation du politique et du religieux et une conception marquée par le romantisme et la critique des Lumières, accordant une place prépondérante à la piété, à l’intuition, aux croyances populaires ancestrales, favorable à la multiplication des passages entre valeurs religieuses et espace public.
A cette fracture majeure, il faut ajouter l’histoire des clivages successifs qui ont laissé des traces dans l’édification de l’identité américaine. Les observateurs français, dans leur étonnement continu, en sont d’utiles témoins. Ainsi les quakers, que Voltaire dépeint comme des modèles de simplicité déiste et de vertu fraternelle, sont-ils pour Chateaubriand, un demi-siècle plus tard, une “compagnie de marchands avides”. Les puritains, jugés d’abord fanatiques, fouettant et marquant au visage les femmes adultères, sont réhabilités par Robertson, et à sa suite par Tocqueville, pour avoir établi le principe démocratique de la souveraineté populaire. Rien, finalement, n’est compréhensible si l’on ignore comment l’évangélisme, qui se développe à partir des années 1730, a fini par devenir la forme banale du protestantisme américain. Le schéma est toujours le même: le pécheur comprend qu’il va être sauvé, lui aussi. Sa vie en est transfigurée. Il naît une seconde fois.
Ce qui frappe, avant tout: la place du sacré dans la construction du politique. Ce n’est certes pas une nouveauté. Mais cette place est ici particulièrement visible parce qu’elle est tout autrement disposée, dans les discours et dans les actes, qu’en France et en Europe. C’est pourquoi, dans les moments de crise, entre la “vieille Europe” et ce qu’on croit être la “barbarie américaine”, le malentendu et la confusion sont à leur comble, les délires et l’abjection jamais très loin. Ainsi Emmanuel Mounier, dans les années 1930, commence-t-il par confondre Dieu sur les dollars avec l’argent devenu Dieu, sorte d’Antéchrist dont le culte bestial déshumaniserait la société. [...]
Dans ces allées et venues entre regards français et réalités américaines, les courts-circuits du temps demeurent toujours troublants. On croit nouveaux des propos anciens, on imagine fort vieux des faits récents. “In God we trust” par exemple, passe aisément, à nos yeux, pour un héritage des Pères fondateurs, une survivance des premiers temps. Erreur: la loi qui décida de cette mention sur les billets date du 30 juillet... 1956! C’est en réalité un effet de la guerre froide. Dans la formation de l’identité américaine, le recours explicite à Dieu est donc moins un socle originaire qu’un recours récent.

Denis Lacorne, De la religion en Amérique. Essai d’histoire politique, Gallimard, L’esprit de la cité, pp. 254, € 15.
da
Le Monde